arroger (s')

arroger (s')

⇒ARROGER (S'), verbe pronom.
A.— S'attribuer quelque chose par une décision personnelle :
1. Ce qui me choque dans les dévots en général, ce ne sont pas les défauts qui tiennent invinciblement à leur organisation, c'est l'absence de logique de leur vie et de leurs opinions. Ils ont beau dire, ils font comme faisait ma mère. Ils en prennent et ils en laissent, et ils n'ont pas ce droit que ma mère s'arrogeait avec raison, elle qui ne se piquait point d'orthodoxie.
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 2, 1855, p. 366.
Avec une nuance légèrement péj. :
2. ... c'est-à-dire, que vous voulez faire prévaloir, non pas l'évidence de la chose, mais l'opinion de votre personne, votre manière de voir et de juger. C'est une puissance que vous voulez exercer, un intérêt que vous voulez satisfaire, une prérogative que vous vous arrogez; c'est la lutte de votre vanité.
VOLNEY, Les Ruines, 1791, p. 339.
B.— S'attribuer quelque chose sans y avoir droit. S'arroger un pouvoir, un titre :
3. On voit à plusieurs reprises ces assemblées indiquer comme l'origine de tous les abus le pouvoir que s'est arrogé le roi de lever arbitrairement des taxes, ou, pour reproduire les expressions mêmes dont se servait la langue énergique du XVe siècle, « le droit de s'enrichir de la substance du peuple sans le consentement et la délibération des trois états ».
TOCQUEVILLE, L'Ancien Régime et la Révolution, 1856, p. 188.
4. Sous ces mots : rien qu'impudente tartuferie et lâche mensonge. Voilà ce qu'apprend au monde stupéfait la décision du procureur Feuilloley transformée, pour « la décence », en arrêt de la chambre des mises en accusation. Il n'y a plus le juges, puisque ceux qui s'arrogent indûment ce nom violent les lois, contre les innocents, en faveur des coupables.
CLEMENCEAU, Vers la réparation, 1899, p. 73.
5. Même en 1754, quand il était retourné à Genève pour rentrer dans la religion protestante et recouvrer un titre que depuis quatre années, sans aucun droit, publiquement il s'arrogeait, qu'avait-il vu d'elle?
J. GUÉHENNO, Jean-Jacques, Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 132.
S'arroger un droit sur qqn :
6. Ainsi, parce qu'un homme fut plus fort qu'un autre, cette inégalité, accident de la nature, fut prise pour sa loi; et parce que le fort put ravir au faible la vie, et qu'il la lui conserva, il s'arrogea sur sa personne un droit de propriété abusive, et l'esclavage des individus prépara l'esclavage des nations.
VOLNEY, Les Ruines, 1791, p. 63.
Rem. Le caractère arbitraire ou intempestif que revêt l'action de s'arroger qqc. est souvent souligné par une caractérisation adv. (cf. ex. 4) ou un compl. circ. (cf. ex. 3).
PRONONC. ET ORTH. — 1. Forme phon. : (s') arroger [], j'(e) (m')arroge []. PASSY 1914 donne 2 possibilités de prononc. avec [r] simple ou avec [rr] géminées : arr-. Pour BARBEAU-RODHE 1930, la prononc. avec [rr] est rare. 2. Conjug. : cf. abroger. 3. Hist. :1re syllabe longue ds LAND. 1834 et GATTEL 1841. FÉR. 1768 note que le mot ,,s'écrit avec 2 rr [mais] se prononce avec une seule`` et FÉR. Crit. t. 1 1787 ainsi que GATTEL 1841 ajoutent que r se prononce ,,forte``.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1484 trans. dr. « adopter » (Traité des droits des rois de Fr. au roy. de Sicile ap. GODEFROY, Observ. sur l'Hist. de Ch. VIII, p. 478, éd. 1629 ds GDF. : Elle arrogea et adopta Louys, duc d'Anjou et de Touraine), latinisme isolé; 1547 « attribuer » (GUILL. BUDÉ, Instit. du Prince, édit. J. Foucher, ch. 21 ds HUG. : Il [le Roi] ne peult arroger tant d'honneur a beaucoup pres aux dessusdictz ses deleguez, comme il en derogue a sa majesté); seulement au XVIe s.; 2. 1538 pronom. « s'attribuer » (EST.); 1551 se arroguer (B. ANEAU, Quintil Horatian, p. 205 ds HUG. : De telz que luy ne s'en trouve pas treize en la grand douzaine, et si ne se arrogue rien, et ne derogue à nul).
Empr. au lat. arrogo, pronom. « s'approprier » (CICÉRON, Inv., 2, 55 ds TLL s.v., 651, 73); trans. « attribuer donner » spéc. ds la lang. poét. (HORACE, Carm., 4, 14, 40, ibid., 652, 30); devenu terme de droit « adopter » chez les jurisconsultes, ainsi ULPIEN, Dig., 1, 7, 22, 2, ibid., 652, 83; le sens de « interpeller (qqn) avec arrogance », attesté en m. fr. de 1389 (Lett. remiss. in Reg. 135, ch. 281 ds DU CANGE) au XVe s. (GDF.) s'explique p. anal. avec arrogance.
STAT. — Fréq. abs. littér. :144.
BBG. — NOTER-LÉC. 1912. — PIERREH. Suppl. 1926.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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